Compte-Rendu Conférence sur l'immigration bretonne en Périgord par Sylvain Le Bail


 

L’immigration bretonne en Périgord

Par Sylvain Le Bail – 8 avril 2024


M. Le Bail est l’auteur d’une douzaine de livres, sur des thèmes variés : la Bretagne, les groupes de résistants en Dordogne, entre autres. Le sujet qu’il présente ce soir s’appuie sur son livre « Cœur de Breizh » paru en 2009 et retrace l'exode de milliers de Bretons vers l'Aquitaine.
Sa recherche démarre car il veut comprendre pourquoi ses ancêtres ont, un jour, quitté leurs terres. Pour répondre à cette question et retrouver ses racines, il a remonté le temps sur six générations en arrière.

L’exil de la paysannerie bretonne commence quelques années après la Première Guerre mondiale suite à une loi votée au début du conflit. On est en 1914, les députés décident d'un moratoire qui proroge les baux de fermage jusqu'à la fin des hostilités afin de protéger les femmes dont les maris, les pères ou les fils sont partis au combat. Mais, huit ans plus tard, les baux sont à renouveler, les prix des terres augmentent de 30 à 80%. Des milliers de paysans bretons se retrouvent sans terre et sans toit. Une vraie catastrophe sociale s’annonce.

Strasbourg, juillet 1920. C’est là, au Congrès national des Unions de syndicats agricoles que prend véritablement naissance le mouvement migratoire qui va concerner quelque 15 000 Bretons essentiellement originaires du Finistère.
Président de l’Office Central de Landernau, Hervé Hude de Guébriant, pétri de catholicisme social, s’alerte de la situation pléthorique de la main-d’œuvre agricole et peut-être plus encore de la fin prochaine du moratoire qui protège les agriculteurs jusqu’à la Saint-Michel 1921 (Le statut du fermage n’existe pas encore). François Tynévez, maire de Plabennec et un des leaders des syndicats agricoles du Finistère, suggère de son côté de « guider l’émigration » pour freiner les départs des jeunes paysans vers les villes ou l’Amérique du Nord où ils risquent « de perdre leur âme ». D’où cette idée d’encadrer une migration rurale intérieure. Cette démarche s’appuie sur l’Église qui participe grâce aux congrégations religieuses et en missionnant un prêtre, l’abbé Lanchès.

Au printemps 1921, un premier voyage de prospection est réalisé. « En juin, une quarantaine de paysans partent en éclaireurs en Dordogne. Ils sont accompagnés par François Tynévez, Pierre Le Bihan et l’abbé Lanchès (il sera remplacé plus tard par l’abbé Mevellec) qui les aident à réaliser les démarches : des baux sont finalisés. Soixante-deux familles s’inscrivent au bureau des affaires agricoles. Le premier convoi démarre le 13 juin 1921, trente-neuf familles prennent la direction du Périgord, trente-huit familles seront pourvues. Les fermiers s’installent sur quatre principaux territoires :
La Vallée de L’Isle et de la Dronne, la région de Cherval, La Tour Blanche et Villebois La Valette et enfin la région de Lanouaille et Saint Pardoux la Rivière où l’implantation ne fonctionnera pas aussi bien que dans les autres régions du fait de la réticence des locaux devant l’arrivée massive de ces « étrangers ».

Le deuxième convoi partant le 07 septembre 1921 sera un demi-échec. L’absence de vérification des candidats au départ permettra à des individus peu recommandables de se mêler aux migrants et certains propriétaires périgourdins proposeront des terres complétement épuisées aux arrivants. Cette expérience décevante aura le mérite de faire prendre conscience aux organisateurs de la nécessité d’effectuer une enquête préalable, de contrôler les propriétés proposées avant l’arrivée des fermiers, d’être présents à la signature des contrats ainsi que d’évaluer les motivations et les capacités des futurs migrants.

Le troisième convoi du 07 février 1922 sera le plus important et le plus réussi. Dix familles continuent jusqu’à Montauban et huit familles s’installent en Lot et Garonne. Cette formule fut reprise pour les quatre derniers voyages en 1922, 1923 et 1924.

A la suite de ces sept voyages successifs, environ deux cent familles se composant de près de 1500 personnes se sont établies en Dordogne, elles exploitent une surface de 10 à 12 000 hectares. Mais le nombre réel de Bretons et surtout de finistériens est bien plus élevé, les nouveaux arrivants ayant fait venir d’autres familles, de plus, le mouvement a continué jusqu’à la fin des années 30.

Compte-rendu : Marie Palué

La conférence a été suivie par une centaine de personnes, un bel engouement.


Beaucoup de questions ont été posées suite à la conférence, animé notamment par Marie Bordier notre Bretonne du village.


Et les débats ont continué bien après le rangement de la salle.




Version Anglaise: traduit par Finn Anson

Breton emigration to Perigord

Sylvain Le Bail – 8 April 2024


M. Le Bail is the author of a dozen books on varying themes : Brittany and resistance movements in Dordogne amongst others. The theme of this evening’s conference is based upon his book, ‘Cœur de Breizh’ published in 2009 retracing the exodus of thousands of Bretons towards Aquitaine. His research began as he sought to understand why his ancestors, one day, left their lands. In order to reply to this question and retrace his roots, he went back six generations.

The exile of Breton farmers began several years after the Great War as a result of a law voted at the beginning of the conflict. In 1914, the French MPs decided upon a moratorium that prorogued the land rents until the end of hostilities to protect the women whose husbands, fathers and sons had left to fight in the war. But eight years later the rents were renewed and land prices had increased by 30 to 80%. Thousands of farmers found themselves without land or a roof over their heads. A social disaster began.

In Strasbourg in July of 1920, occurred the National Congress of the Agricultural Unions and here spawned the beginning of the migratory movement that would affect 15 000 Bretons predominantly from Finistère.

The president of the Landernau central office, Hervé Hude de Guébriant, a fervent social catholic, warned of an over abundance of agricultural labour and more so of the imminent end of the moratorium that protected the farmers up until the Saint Michel on 1921 ( tenant farming did not yet exist)

François Tynévez, mayor of Plabennec and one of the leaders of the Finistère Farmers Unions suggested that the emigration should be ‘accompanied’ to slow down the departure of young farmers to the cities or North America, where they were in peril of ‘losing their souls.’ Thus the idea of organising internal rural migration. This approach was supported by the Church who participated thanks to the religious congregations, and with a mission taken on by a priest, Father Lanchès.


In the Spring of 1921, a first reconnaissance voyage happened. In June, a group of forty farmers left for Dordogne on such a mission. They were accompanied by François Tynévez, Pierre Le Bihan and Father Lanchès (he was later replaced by Father Mevellec) who helped in the process: the tenancies were agreed upon. Sixty two families registered with the Office of Agricultural Affairs. The first convoy left on 13 June 1921, thirty nine families headed for the Périgord; thirty eight families were provided for. The farmers settled in four principal territories:

The l’Isle and Dronne valleys, the area of Cherval, La Tour Blanche and Villebois

La Valette and lastly the area of Lanouaille and Saint Pardoux la Rivière where the settlement did not go as smoothly as the other regions due to the reticence of the local people to welcome this ‘massive’ arrival of strangers.

The second convoy that left on 7 September 1921 was less successful. The lack of verification of candidates before departure enabled less savoury characters to mix with the emigrants, and certain Périgourdin land-owners proposed completely wasted lands to the new-comers

This disappointing experience had the merit of waking the organisers to the necessity of effecting preliminary investigations, of controlling the land proposed before the arrival of the farmers, of being present at contract signings, and also to determine the motivation and capacity of future migrants.

The third convoy of 7 February 1922 was the most important. Ten families continued to Montauban and eight families settled in the Lot et Garonne. This procedure was used for four future voyages in 1922, 1923 and 1924.

Following seven successive voyages, around two hundred families consisting of approximately 1500 people established themselves in Dordogne and farmed between 10 and 12 000 hectares.

But the accurate number of Bretons and particularly farmers from Finistère was much larger as the new arrivals brought other families to join them; this movement continued up until the 30s.


Marie Palué

Antoine de Sartine par André Vigne


Antoine de Sartine






Antoine Raymond Juan Gualbert Gabriel de Sartine, comte d’Alby est né le 12 juillet 1729 à Barcelone, émigré, il est décédé le 7 septembre 1801 à Tarragone.
Son père, Antoine Sartine ou Sardine, bourgeois de Lyon, fils d'épicier devenu financier, est établi en Espagne au début du XVIIIe siècle où il jouit des faveurs de Philippe V.

Chargé du ravitaillement des troupes françaises pendant la Guerre de Succession d'Espagne, il en vient à siéger au conseil des finances du roi, qui lui accorde le titre de chevalier. Il est nommé intendant en Catalogne. Il prend pour épouse Catherine White, comtesse d'Alby, dame d'honneur de la reine d'Espagne, fille de Ignatius White, secrétaire d'État pour le royaume d'Irlande.
Antoine obtient des lettres de nationalité en 1752, achète la charge de lieutenant criminel au Châtelet la même année, il est anobli en 1755, et épouse, en 1759, Marie-Anne Hardy du Plessis.
Après cela, bien en cour auprès de Louis XV, il est nommé successivement aux offices de lieutenant général de police (du 22 novembre 1759 au mois de mai 1774), de maître des requêtes (9 décembre 1759), et quelques années plus tard de directeur de la Librairie (1763–1774). En 1767, il est nommé conseiller d'État.
Lieutenant général de police, il s'attache à améliorer les services de la capitale, notamment ceux de l'approvisionnement (il active la construction de la halle au blé), de l'éclairage, il fait installer des lanternes à réverbère qui contribuent à améliorer la sécurité publique, et substitue également aux tripots clandestins des maisons de jeu surveillées par ses agents et taxées au profit du fisc. Excellent administrateur, habile politique, Sartine se préoccupe aussi des problèmes d’hygiène, d’approvisionnement et de police en général durant sa lieutenance.
Les libelles fleurissent. Au mois de juillet 1773, Théveneau de Morande(1) qui est devenu une des « créatures » du clan Choiseul s’attaque alors à la favorite royale, Madame du Barry : Choiseul bien qu’en disgrâce continue le combat…
Sartine s’en agace et fait perquisitionner les libraires pour connaître l’éditeur.
Finalement Théveneau est localisé à Londres, son arrestation échoue, c’est Beaumarchais qui sera envoyé début 1774 pour négocier avec le libelliste.
Des libelles lui prêtent des manœuvres occultes, l'accusant d'avoir entretenu un « cabinet noir » ; nombres d'ouvrages révolutionnaires devaient lui supposer un réseau d'informateurs dans la capitale.
Mais, pour Pierre Manuel(2) : « lorsque le libertin de Sartine poursuivait les citoyens jusque sous leurs toits tutélaires qu’il épiait même les secrets honteux de leurs nuits, ce n'était que pour égayer un roi, plus libertin encore, de toutes les nudités du vice ; c'était pour fournir à son maître des exemples et des excuses, comme si son autorité et sa conscience en avaient eu besoin ! »
Détesté pour son usage « arbitraire » des lettres de cachet, stigmatisé par les libellistes, inquiété lors des événements de 1789, il émigre dès 1790 en Espagne où il meurt en 1801 sans revoir la France. Il évite ainsi le sort de son fils,
Charles-Louis-Antoine de Sartine, et de sa bru, qui restés, à Paris en dépit de ses objurgations, seront guillotinés au procès des chemises rouges, le 29 prairial an II (17 juin 1794).
                                                 
Lettre de cachet
signée : de Sartine (1759)


Le secrétaire d'État à la Marine

En 1774, Louis XVI écrit de Compiègne une lettre par laquelle il annonce la nomination de deux nouveaux ministres, Turgot et Sartine. Le souverain ajoute : « Je voudrais pouvoir récompenser ainsi tous les grands talents qui honorent leur siècle en contribuant à la civilisation et au bien-être des peuples. »Proche du « parti Choiseul », Sartine accède au secrétariat d’État à la Marine en août 1774, place qu'il occupe jusqu'en octobre 1780. Il tente alors de rationaliser l'administration de la Marine. Ainsi, il s'intéresse de près aux fonderies en créant en particulier celle de l'Indret. Il confie au chevalier de Fleurieu la direction des ports et des arsenaux royaux. Sartine entreprend là aussi de grandes réformes mises au point par sept ordonnances en 1776. La haute main sur la Marine est donnée aux officiers au détriment des administrateurs civils. Les constructions navales sont activement poussées.

Enfin, la qualité du corps des officiers, recrutés surtout dans la noblesse (comme Charles Louis du Couëdic(3) et ses trois neveux par exemple), est même considérablement améliorée. Cette politique devait porter ses fruits lors de la guerre d'indépendance américaine dans laquelle il mit à profit son expérience du renseignement acquise dans la Police. Les historiens évoquent une « phase de Sartine » qui aurait précédé une « phase Castries(4) » dans la chronologie des opérations militaires.

Sartine fait preuve de modernisme, il décide de faire doubler de cuivre l’escadre de Charles de Ternay(5), ce qui protège les coques et améliore la vitesse des navires. Il ne sait pourtant pas endiguer le gaspillage de ses officiers. En 1780, accusé par Necker de détournement dans les caisses de l'État — on parle d'une somme de vingt millions —, il est disgracié le 14 août de la même année par Maurepas.

En fait, Sartine a été un ministre honnête mais qui a laissé déraper les dépenses de guerre et a émis des emprunts au profit de la Marine sans en informer le ministre des finances et le roi. Louis XVI lui accorde néanmoins une gratification de 150 000 livres et une pension de 70 000 livres.



(1) Charles Théveneau, (dit) de Morande ou chevalier de Morande, né le 9 novembre 1741 à Arnay-le-Duc où il est mort le 6 juillet 1805, est un libelliste, espion et polémiste français. Son parcours est représentatif de celui d'un « aventurier des Lumières » ou d'un « Rousseau des ruisseaux » : de l'armée il passe à la littérature clandestine, puis à l'espionnage et enfin au journalisme. « Mandrin littéraire », folliculaire, il se fait connaître par son activité de maître chanteur et par le succès considérable de son libelle clandestin, Le Gazetier Cuirassé. Il est par la suite, après avoir mis à contribution la cour de Louis XV, retourné par le gouvernement français, dont il devient l'un des informateurs en Angleterre. Il joue un rôle dans la pré-révolution française comme rédacteur puis directeur du Courier de l'Europe avant de regagner Paris lors de la Révolution, où il poursuit son activité de gazetier.



(2) Pierre-Louis Manuel, né le 1er juillet 1751 à Montargis et mort guillotiné le 14 novembre 1793 à Paris est un intellectuel français de l'Ancien Régime et un homme politique de la Révolution.



(3) Charles Louis du Couëdic de Kergoualer, né le 17 juillet 1740 au château de Kerguélénen, paroisse de Pouldergat près de Douarnenez en Bretagne et mort le 7 janvier 1780 à Brest des suites de ses blessures, est un officier de marine français du XVIIIe siècle. Engagé jeune dans la Marine royale au début de la guerre de Sept Ans, il participe à la défense de Louisbourg en Nouvelle-France, en 1757 et à la bataille des Cardinaux. En 1763, la paix revenue avec la signature du Traité de Paris, il s'engage comme volontaire dans une expédition à destination des Indes, puis en 1773 dans une seconde expédition, commandée par Yves de Kerguelen. Il est célèbre pour le combat acharné qu'il livre, le 6 octobre 1779, à bord de la frégate La Surveillante contre la frégate anglaise HMS Quebec pendant la guerre d'indépendance des États-Unis.



(4) Charles Eugène Gabriel de La Croix, marquis de Castries, baron des États de Languedoc, comte de Charlus, baron de Castelnau et de Montjouvent, seigneur de Puylaurens et de Lézignan, est un maréchal de France né à Paris le 25 février 1727 et mort à Wolfenbüttel le 11 janvier 1801. Il est nommé secrétaire d'État à la Marine le 13 octobre 1780 sur la recommandation de son ami Jacques Necker. Il reste en poste jusqu'au 24 août 1787. En 1783, il est élevé à la dignité de maréchal de France. Son action se déploie sur plusieurs fronts : tout d'abord, dans le cadre de la Guerre d'indépendance des États-Unis, il réorganise la flotte et fait adopter par le Conseil la nouvelle stratégie maritime qui conduit au succès durant la guerre ; les vaisseaux sont redéployés pour tenir compte de la mondialisation du conflit et les escadres sont confiées à de nouveaux chefs plus offensifs, comme de Grasse. Ces choix contribuent en partie à la victoire franco-américaine de 1781.



(5) Charles-Henri-Louis d'Arsac de Ternay, dit le « chevalier de Ternay », né le 27 janvier 1723 à Angers et mort le 15 ou 19 décembre 1780 à l'âge de 57 ans, à Newport sur le navire amiral Duc-de-Bourgogne, victime d'une épidémie de fièvre putride (typhoïde), est un officier de marine français. Il se distingue lors de la guerre de Sept Ans et la guerre d'indépendance des États-Unis. Il termine sa carrière avec le grade de chef d'escadre des armées navales, sous le règne de Louis XVI.
Comme beaucoup de fils cadets de familles noble, le jeune Charles-Henri est destiné à entrer dans les ordres ou à suivre une carrière militaire. Le 12 décembre 1737, il est présenté de minorité dans l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, il est page du grand maître à l'âge de 14 ans. Il quitte l'Ordre, un an plus tard, pour entrer, le 30 octobre 1738, dans la Marine royale et intègre une compagnie de gardes de la Marine au département de Toulon. Il servira toute sa vie dans ce corps, gravissant les échelons un à un, jusqu'au grade de capitaine de vaisseau en 1761.
Avec seulement huit vaisseaux de ligne, deux frégates et huit galiotes à bombes, il ne peut rien faire, une fois arrivé à Newport, face à une flotte britannique qui comptait treize vaisseaux de ligne de plus que la sienne et qui n'eut aucun mal à le bloquer. Cependant, il s'établit dans la place avec Rochambeau et son escadre y passe l'hiver sans que les Anglais puissent les en déloger. Il participe en septembre 1780, à Hartford (Connecticut) à la première rencontre du général Washington avec ses nouveaux alliés, en qualité de commandant des forces navales françaises et en compagnie du comte de Rochambeau, puis s'occupe de fortifier la ville. C'est à bord du Duc de Bourgogne, dans la rade de Newport dans l'état du Rhode Island, victime de la fièvre putride, qu'il décède en 1780 après huit jours de maladie. Il est remplacé par le chef d'escadre Destouches, en attendant l'arrivée de Barras de Saint-Laurent en mai 1781.